Al-ijtihad, c'est le fait d'extraire les jugements auxquelles ne fait référence aucun texte explicite n'acceptant qu'une seule signification.
Le moujtahid et le mouqallid
Le moujtahid est donc celui qui est qualifié pour faire cela en connaissant par cœur les 'ayah et les hadith qui concernent les jugements tout en connaissant leurs chaînes de transmission et le degré de fiabilité de ceux qui les ont transmis, ce qui abroge et ce qui est abrogé, ce qui est général et ce qui est particulier, ce qui est absolu et ce qui est conditionné, tout en possédant une maîtrise de la langue arabe de façon à connaître la signification des termes cités dans les textes, conformément à la langue dans laquelle a été révélé le Qour'an et en connaissant aussi ce qui a fait l'objet de l'Unanimité des moujtahid et ce qui a fait l'objet de divergence entre eux car s'il ne connaît pas cela, il ne lui est pas assuré de ne pas contredire l'Unanimité c'est-à-dire l'Unanimité de ceux qui l'ont précédé.
Il y a de surcroît une condition qui est un grand pilier dans la déduction des lois, c'est la perspicacité, c'est-à-dire la force de compréhension et de saisie des différentes significations.
Il est aussi une condition pour le moujtahid d'être digne de confiance 1, à savoir, être sauf des grands péchés et de la persistance à commettre les petits péchés au point que leur nombre dépasserait celui de ses récompenses.
Quant au mouqallid, c'est celui qui n'a pas atteint ce degré.
---------------------
Preuve textuelle que les gens sont en ces deux catégories
La preuve que les musulmans se répartissent dans ces deux classes réside dans sa parole:
(نَضَّرَ اللهُ امْرِأً سَمِعَ مَقَالَتِي فَوَعَاهَا فَأَدَّاهَا كَمَا سَمِعَهَا، فَرُبَّ مُبَلَغٍ لاَ فِقْهَ عِنْدَهُ)
(naddara l-Lahou mri'an sami^a maqalati fawa^aha fa'addaha kama sami^aha faroubba mouballighin la fiqha ^indah)
[Rapporté par At-Tirmidhiyy et Ibnou Hibban] ce qui signifie: «Que Allah fasse resplendir au jour du jugement le visage de celui qui a entendu ma parole, l'a mémorisée et transmis telle qu'il l'a entendue. Combien certes de ceux qui la transmettent n'en ont pas de compréhension [complète]».
Ce qui est à retenir dans le hadith, c'est sa parole:
(faroubba mouballighin la fiqha ^indah)
ce qui signifie: «Combien certes de ceux qui la transmettent n'en ont pas de compréhension [complète]». Dans une autre version, on trouve:
(وَرُبَّ مَبَلَّغٍ أَوْعَى مِنْ سَامِعٍ)
(wa roubba mouballaghin 'aw^a min sami^)
Ce qui signifie: «Combien de ceux à qui elle est parvenue en ont plus de compréhension que celui qui l'a entendue en premier».
Il nous fait donc bien comprendre qu'il y a parmi ceux qui ont entendu le hadith de la bouche même du Messager, ceux dont la part est de transmettre aux autres ce qu'ils ont entendu. Seulement, leur compréhension est moins forte que celui à qui ils le transmettent, de sorte que ce dernier a la capacité, de par sa forte compréhension, d'en extraire les lois et les jugements. Ainsi, celui qui a entendu n'a pas cette forte capacité mais saisira seulement une signification proche des termes. A partir de là, il est su que certains compagnons avaient moins de compréhension que ceux à qui ils faisaient entendre le hadith du messager de Allah. Dans une autre version de ce hadith:
(فَرُبَّ حَامِلِ فِقْهٍ إْلَى مَنْ هُوَ أَفْقَهَ مِنْهُ)
(faroubba hamili fiqhin 'ila man houwa 'afqaha minh)
ce qui signifie: «Combien portent une science à qui en aura plus de compréhension qu'eux». Ces deux versions se trouvent dans At-Tirmidhiyy et Ibnou Hibban.
La récompense du moujtahid
Ce moujtahid est celui dont il est question dans sa parole:
(إِذَا اجْتَهَدَ الْحَاكِمُ فَأَصَابَ فَلَهُ أَجْرَانِ وَإِذَا اجْتَهَدَ فَأَخْطَأَ فَلَهُ أَجْرٌ)
('idha jtahada l-hakimou fa'asaba falahou 'ajrani wa 'idha jtahada fa'akhta'a falahou 'ajroun)
[Rapporté par Al-Boukhariyy] ce qui signifie: «Si le gouverneur fait un ijtihad et dit juste, il aura une récompense double. Mais s'il fait un ijtihad et fait une erreur, il aura une récompense».
Si le Prophète a spécifié dans son hadith le gouverneur en le citant, c'est parce que le gouverneur a plus que tout autre besoin de la déduction des lois. Il y a eu parmi les gens du Salaf des moujtahid exerçant les fonctions de gouverneur. Tels étaient les six Califes Abou Bakr, ^Oumar, ^Outhman, ^Aliyy, Al-Haçan Ibnou ^Aliyy et ^Oumar Ibnou ^Abdi l-^Aziz ainsi que Chourayh Al-Qadi.
Les moujtahids parmi les compagnons du Messager
Les savants du hadith qui ont écrit les livres de la terminologie du hadith –moustalah– ont dénombré moins que dix moufti –dans le sens de moujtahid– parmi les compagnons ; il a été dit2: environ six, et certains savants ont dit: environ deux cents parmi eux ont atteint le degré de moujtahid, et cet avis est le plus fort. Si la situation était telle parmi les compagnons, comment n'importe quel musulman pouvant réciter le Qour'an et lire quelques livres, pourra-t-il dire de façon valable : (ceux-là étaient des hommes et nous sommes des hommes, nous n'avons pas à les imiter). De plus, il a été confirmé que la plupart des gens du Salaf n'étaient pas moujtahid mais étaient bien mouqallid ; ils suivaient l'avis des moujtahid d'entre eux. Dans Sahihou l-Boukhariyy, il est rapporté qu'un homme avait loué ses services à un autre et qu'il a fait l'adultère avec la femme de ce dernier. Le père de l'homme demanda alors son jugement. On lui a répondu : ton fils doit cent brebis et une femme esclave. Puis il a demandé aux gens de science. Ils lui ont dit : ton fils doit recevoir cent coups de fouet et être exilé une année. Il est allé chez le Messager avec l'époux de la femme. Il lui a dit : « Ô Messager de Allah, mon fils avait loué ses services à cet homme. Il a commis l'adultère avec sa femme. Des gens m'ont dit que mon fils doit être lapidé. J'ai alors compensé mon fils de cela par cent ovins et une femme esclave. Ensuite j'ai demandé aux gens de science et ils m'ont dit : ton fils doit plutôt recevoir cent coups de fouet et doit être exilé une année ». Le Messager de Allah dit alors:
(الْمِائَةُ شَاةٍ وَالْوَلِيدَةُ رَدٌّ عَلَيْهِ وَإِنَّ عَلَى ابْنِكَ جَلْدُ مِائَةٍ وَتَغْرِيبُ عَامٍ)
(la'aqdiyanna baynakouma bikitabi l-Lah: 'amma l-walidatou wa l-ghanamou faraddoun ^alayhi wa ^ala bnik jaldou mi'atin wa taghribou ^am)
ce qui signifie: «Je jugerai entre vous par le Livre de Allah. Concernant les cents brebis et la femme esclave, elles ne sont pas acceptées de lui et concernant ton fils, il doit recevoir cent coups de fouet et être exilé une année».
Cet homme, bien qu'il ait fait partie des compagnons, a demandé à des gens qui étaient eux aussi des compagnons et ils n'ont pas répondu juste. Puis il a demandé à des savants parmi eux. Et le Messager lui a donné l'avis qui correspondait avec ce qu'avaient dit ces savants. Si donc le Messager nous a fait comprendre que certains de ceux qui entendaient de lui le hadith n'en avaient pas la compréhension, c'est-à-dire n'avaient pas la capacité de déduire les lois de ses hadith, mais que leur part était simplement de transmettre de lui ce qu'ils en avaient entendu et ceci, bien qu'ils comprenaient la langue arabe classique, alors que dire de cette cohue qui ose dire: (ceux-là étaient des hommes et nous sommes des hommes). Or, par leur parole (ceux-là étaient des hommes), ce sont les moujtahid tels que les quatre Imams qu'ils visent.
---------------------
Le danger de donner un avis de Religion sans science
Dans le même sens, il y a ce qu'a cité Abou Dawoud de l'histoire de l'homme qui avait une blessure à la tête et qui s'est retrouvé jounoub par une nuit froide. Il a demandé l'avis à ceux qui étaient avec lui. Ils lui ont dit : fais le ghousl. Il a donc fait le ghousl et il en est mort. On porta la nouvelle au Messager de Allah qui a dit:
(قَتَلُوهُ قَتَلَهُمُ اللهُ)
(qatalouhou qatalahoumou l-Lah 'ala sa'alou 'idh lam ya^lamou fa'innama chifa'ou l-^iyyi s-sou'al)
[rapporté par Abou Dawoud et d'autres] ce qui signifie: «Ils l'ont tué!... Pourquoi n'ont-ils pas demandé du moment qu'ils ne savaient pas? Certes le remède de l'ignorance, c'est de demander» c'est-à-dire de demander aux gens de science. Il a dit ensuite:
(إِنَّمَا كَانَ يَكْفِيهِ أّنْ يَتَيَمَّمَ وَيَعْصِبَ عَلَى جُرْحِهِ خِرْقَةً ثُمَّ يَمْسَحُ عَلَيْهَا وَيَغْسِلُ سَائِرَ جَسَدِهِ)